
Titre : Racines
Auteur : Lou Lubie
Maison d’édition : Delcourt
Genre : Histoire
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Pour moi, offrir des livres à Noël, c’est particulier dans le sens où c’est plus qu’un cadeau. C’est un dialogue. C’est une part de soi qu’on aimerait faire découvrir à l’autre. Aussi, je n’aime pas toujours offrir des choses qui pour faire passer un message. Pour transmettre quelque chose. Et quand vous voyez ce que je projette pour cette semaine, c’est exactement cela. Le graphique que je souhaiterais vous présenter, c’est Racines de Lou Lubie.
Lou Lubie, c’est une illustratrice de bandes dessinées et une développeuse. Elle est née en 1990 et elle a fondé un forum appelé le Forum dessiné, qui est un site web communautaire où les échanges se font sous forme de dessins. En fait, à la base, elle a écrit deux romans à 18 ans qui s’appellent Hallucinogène volume 1 et 2. Puis, elle enchaîne sur la bande dessinée. En 2016, elle découvre qu’elle est atteinte de cyclothymie qui est un trouble psychique faisant alterner des périodes d’excitation et de dépression. Moi, je l’ai découverte avec une bande dessinée, qui s’appelle : Et à la fin ils meurent, car je voulais en savoir plus sur les contes de fées. Et là je découvre une incroyable vulgarisatrice historique. Cette bande dessinée m’a permis, personnellement, de me rendre compte que chez les graphiques, et bien il n’y a pas mal de choses faites et surtout bien faites à ce sujet. Ce qui fait que maintenant, je cherche souvent aussi chez les graphiques s’il n’y a pas quelque chose sur le sujet.
Et me voilà dans ma librairie graphique, en train de regarder tout simplement la dernière sortie de Lou Lubie, Racines qui est l’histoire de Rose qui est tiraillée entre deux cultures : celle à laquelle elle voudrait appartenir et celle que ses cheveux crépus trahissent. Et on va suivre la quête d’identité de Rose. Rose, elle est métisse et c’est aussi l’histoire de Lou Lubie. Alors, comment offrir cette bande dessinée quand dans ta famille, personne n’est métisse ? Parce que Racines, cela ne parle pas que de cela, cela parle aussi d’Histoire, cela parle de visions de la femme, cela parle d’empathie. Et Lou Lubie nous livre cette bande dessinée avec des dessins superbes et, oui vous vous en doutez certainement, beaucoup de recherches. Si jamais vous avez quelqu’un en recherche de sa propre identité, c’est la bande dessinée qu’il vous faut. Et surtout, elle est tellement universelle qu’elle a reçu une avalanche de prix depuis sa sortie dont Le prix Ouest-France/ Quai des bulles en 2024 ou le prix Dans ta bulle des collèges de la ville d’Argentant en 205, le prix de la région centre-Val de Loire / BD Boum en 2025 ou le prix Jacarbo en 2025. Et je ne fais que survoler tout cela puisqu’il y en a bien d’autres. Alors, dites-moi, pourquoi Racines en devient une bande dessinée à offrir à Noël ?
Racines, c’est toute une Histoire
Notre héroïne, Rose, vient de la Réunion, une île volcanique qui est à l’est de l’Afrique et qui est un département français. Mais surtout, c’est une île qui a eu énormément de métissage, elle avait été repérée par les Arabes au Moyen Âge mais surtout elle reste inhabitée, jusqu’à ce qu’au XVIIème siècle, des Portugais débarquent. Puis elle devient une escale pour la Compagnie des Indes orientales. Et il y a un foisonnement d’origines que vous découvrirez tout simplement dans la bande dessinée : Européennes, ouest-africaines, est-africaines, malgaches, indiennes, vietnamiennes, comoriennes, mahoraises, malaises et chinoises. Et dans la bande dessinée, on voit ainsi une multitude de corps, mais aussi de cheveux. Mais on voit aussi les difficultés de cohabitation de ces populations car, malheureusement, les différentes possibilités d’avancement professionnel sont très souvent pendantes de la couleur de votre peau. Et ainsi, les cheveux en deviennent importants, surtout pour les femmes.
Surtout, c’est une population où, pour poursuivre leurs études supérieures doivent se rendre en métropole. C’est un investissement financier, déjà mais surtout, c’est un choc des cultures car, la population étudiante réunionnaise voit une prédominance de la population blanche et se prend des préjugés à la pelle. Alors, quand on est métissé comme Rose, c’est encore pire car elle a une couleur de peau blanche mais des cheveux crépus. Les gens n’arrivent pas à la cataloguer et elle, elle doit tout simplement réussir à s’intégrer mais aussi savoir qui elle est vraiment parfois en se pliant aux canons de beauté de la métropole.
Et au travers de cette quête d’identité, on a une dimension plus universelle, le clivage homme femme dans l’industrie du cheveux.
Oui, je sais, pour vous cela peut paraître un peu superficiel mais la différence est réelle. Si un homme arrive au boulot un jour mal coiffé ou avec les cheveux un peu gras, et bien, il ne se passe pas grand-chose. Par contre, une femme… Et ainsi, Lou Lubie déroule la pelote. On apprend la double peine des femmes. Si elles veulent être perçues comme compétentes, il faut qu’elles soient dans le canon de beauté actuel. On parle de cheveux ici, mais les codes de morphologie fonctionnent aussi. Et quand les femmes vont juste dans un salon de coiffure, c’est le drame. Les coupes sont plus chères, les produits sont plus onéreux, parfois même toxiques et surtout, tous les salons de coiffure ne sont pas aptes à coiffer tous les types de cheveux car les coiffeurs et les coiffeuses ne sont pas forcément formées.
Et on calcule avec elle la somme que l’on doit débourser pour atteindre ce fameux quota de respectabilité avec sa coiffure. En tant que femme blanche avec des cheveux plutôt sympas, je connais déjà mon tarif. Mais celui de Rose avec des cheveux atypiques en devient plus que triple. Et surtout, comment on perçoit une femme en fonction de sa coiffure. C’est quand même dingue de se dire qu’on est catalogué par juste des poils. Et pourtant…
L’autrice nous dit tout, sans fard. Les bons moments, les découvertes, mais aussi des périodes beaucoup plus alarmantes. Car ces canons de beauté lui provoquent de la dysmorphobie. Et qu’est-ce que c’est : c’est une préoccupation concernant les défauts perçus de l’apparence physique qui ne sont pas apparents ou apparaissent légers à d’autres personnes. Vous savez ? Quand vous vous regardez dans la glace et que vous vous trouvez franchement moche, on ne sait pas pourquoi. Au point qu’il est difficile de passer une bonne journée. Et pourquoi on se perçoit comme cela, parce que, croyez-moi, on est toustes magnifiques. Tout simplement parce que l’on se voit dans les yeux des autres et que, souvent, on vous fera des remarques. Sur vous. Sans sollicitation. Que ce soit en famille, entre amis ou dans le milieu professionnel. Et ces remarques peuvent paraître anodines pour certains ou certaines mais parfois, cela nous touche, tout simplement. Au point que parfois, cela nous atteint.
Au travers de ces sujets profonds, la lumière au bout des cases.
Bien sûr, cette bande dessinée n’est pas là pour vous plonger dans la tristesse. On y voit Rose qui cherche, qui s’accepte et qui finalement, correspond exactement à ce à quoi elle veut. En s’acceptant, elle débunke les autres. Et c’est cela que veut nous dire Lou Lubie. Elle nous dit qu’en se cherchant, en se connaissant soi-même, et bien, oui, on ne peut pas éviter le regard des autres, mais on peut le percevoir plus doucement. En s’acceptant et en aimant son propre corps, on devient meilleur. On devient beau ou belle. C’est ce message que j’ai aimé dans ce livre et il ne s’applique pas qu’aux cheveux, il ne s’applique pas aux personnes qui sont métissées. Cela peut s’appliquer aux personnes qui n’aiment pas leur corps. Aux personnes qui sont en quête dans leur transidentité, par exemple.
Aussi, quand une personne vous semble un peu en recherche. Que ce soit dans leur physique, mais aussi dans leur vie. Racines peut apporter des réponses et aussi une bonne dose de culture historique. Parce que Lou Lubie a réussi à alterner des moments de pure émotion avec des moments très factuels, limites académiques et surtout des moments très drôles. J’ai refermé le livre avec mille idées en tête. Mille réflexions sur comment se passe la journée, sur ce que je peux dire à quelqu’un. Et bien entendu, un millier de mauvaises pensées à ma coiffeuse qui me demande systématiquement si je ne veux pas couvrir mes cheveux blancs. Cette bande dessinée est un cheminement personnel de l’autrice, mais c’est aussi une belle déclaration pour aller vers l’empathie. Et ça ! C’est un message à passer pour Noël, je trouve.
Que mettre sous le sapin après Racines ?
- Pour ma copine Pomme qui a eu la gentillesse de terminer son nouvel achat au restau pour me le prêter : La nuit retrouvée de Pénélope Bagieu et de Lola Lafon qui raconte l’histoire d’une mère de famille qui raconte à sa fille un secret. Encore merci Pomme.
- It’s lonely at the centre of the earth et Zoé Thorogood. Un récit autobiographique qui montre comment l’autrice a vécu sa dépression pendant le confinement. Une manière aussi de développer son empathie pour des handicaps invisibles
- Et pour rester dans le thème de la réunion et de bien vivre ensemble même avec des différences, Deux sœurs d’Isabelle Sivan et Bruno Duhamel qui racontent l’histoire de deux sœurs très différentes qui décident d’acheter une maison ensemble.









